10/08/2011 Texte

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Syrie/Les pressions s’accentuent après une répression qui a déjà fait plus de 2000 morts

Bachar al-Assad : le début de la fin ?

La Ligue arabe qui appelle à la « fin du bain de sang ». L’Arabie Saoudite qui rappelle son ambassadeur ce week-end, le roi Abdallah, longtemps silencieux, demandant désormais sans ambiguïté à Damas d’« arrêter la machine de mort ». Deux autres pays du Golfe, le Bahreïn et le Koweit, qui lui emboîtent le pas lundi. La plus haute institution de l’islam sunnite, Al Azhar, qui prend ses distances au Caire, jugeant la situation « inacceptable ». La Turquie (longtemps proche de la Syrie) qui, mandatée par les Etats-Unis, envoie son ministre des Affaires étrangères mardi pour porter un message ferme d’Ankara appelant à la fin des massacres. Et le président du parlement Irakien qui demande l’arrêt de la répression. La pression des voisins s’accentue sur Damas après une répression qui a déjà fait plus de deux mille morts depuis le soulèvement populaire, il y a cinq mois. Un tournant ? Sans aucun doute, selon le président de l‘Observatoire des pays arabes, Antoine Basbous. « Le régime est lâché. Ces pays n’étaient pas de réels soutiens, mais jusqu’ici ils le laissaient faire parce qu’ils ne voulaient pas l’affronter. Maintenant, il n’y a plus que le Hezbollah qui soutient Bachar-al-Assad ». La pression internationale, qui s’est longtemps résumée pour l’essentiel à une condamnation verbale du régime syrien, commencerait-elle à porter ses fruits ? Certes, une intervention militaire comme en Libye est toujours inenvisageable. La Russie et la Chine, membres permanents du conseil de sécurité de l’ONU, s’y opposeraient aussitôt. Les Etats-Unis, d’ailleurs, ne sont pas prêts non plus à s’engager dans une voie qui pourrait déstabiliser Israël. « Avec Bachar al-Assad, au moins, c’est le statu quo, s’il devait tomber, les salafistes ou les frères musulmans prendraient peut-être le pouvoir », estimait récemment Didier Billion, spécialiste du Moyen-Orient à l’Institut des relations stratégiques, à Paris (Iris). En outre, punir la Syrie la pousserait un peu plus encore dans les bras de l’Iran, un axe que les Etats-Unis veulent justement casser, selon le chercheur. N’empêche. Le gel des avoirs, l’interdiction de visa pour les dirigeants, les menaces de sanctions économiques prônées par certains pays européens comme l’Allemagne appelant à un boycott du gaz et du pétrole, la pression diplomatique qui amène chaque jour son lot d’émissaires en Syrie (mardi, outre la Turquie, le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud avaient dépêché une délégation pour exiger l’arrêt des violences contre les civils): l’ensemble des mesures conduisent à une marginalisation et à une fragilisation croissante du régime de Damas. Sur le terrain, Bachar al-Assad ne lâche rien, sinon la promesse d’élections libres et de l’instauration du multi-partisme, autant de promesses auxquelles la communauté internationale ne croit pas. Il continue de manier la force contre de prétendus « terroristes » venus de l’étranger. Damas a d’ailleurs encore sermonné ce week-end la Turquie, cette donneuse de leçons, de ne pas avoir dénoncé les assassinats sauvages contre les civils et les militaires. Les opérations des forces de sécurité ont encore fait une vingtaine de morts mardi, dont 17 à Deir Ezzor, dans l’est du pays. selon l’observatoire des droits de l’homme en Syrie. Mais l’homme fort de Damas n’est peut-être déjà plus qu’un colosse aux pieds d’argile. Les jours de Bachar al-Assad seraient-ils comptés ? Antoine Basbous en a la conviction. « Le régime est dans une impasse », explique-t-il. « S’il arrête de réprimer, il va tomber. S’il continue de réprimer, il tombera aussi mais dans un bain de sang. La situation conduira à la guerre civile. Cela débouchera sur un conflit entre les Alaouites, qui ne représentent que 10% de la population mais qui ont confisqué le pouvoir, et les Sunnites, largement majoritaires. » Pour le président de l’Observatoires des pays arabes, la question n’est plus de savoir si Bachar al-Assad tombera mais quand il tombera. « Cela dépendra du rythme des défections dans l’armée », prédit Antoine Basbous. Lundi, le chef d’état major des armées a été nommé en remplacement du ministre de la Défense. Officiellement, ce dernier était malade… L’expert ne croit pas un instant que Bachar al-Assad puisse encore négocier sa sortie. « Les conditions de cette sortie seraient pour lui lamentables. Il a trop de sang sur les mains »… JOËLLE MESKENS

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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