05/05/2011 Texte

pays

<< RETOUR

Les pays arabes, silencieux face à la crise syrienne, redoutent son impact

LE CAIRE, 5 mai 2011 (AFP) - Largement silencieux face à la crise syrienne, les pays arabes veulent éviter toute prise de position qui pourrait se retourner contre eux, ou sont trop accaparés par leurs problèmes internes pour s'occuper de ceux de Damas, estiment des spécialistes. Dans un Moyen-Orient en pleine tourmente, une déstabilisation accrue de la Syrie pourrait avoir de graves conséquences pour ses voisins arabes immédiats -Liban, Irak, Jordanie- et au delà, soulignent-ils. Alors que la communauté internationale exprime une inquiétude croissante face à la répression de la contestation du pouvoir du président Bachar al-Assad, qui a fait selon des ONG au moins 600 morts depuis la mi-mars, les capitales arabes restent très discrètes. Pour Mustafa Alani, du Gulf Reseach Center de Dubaï, cette réserve s'explique notamment par le fait que la Syrie, après la Libye, "démontre qu'un changement rapide, relativement facile comme en Tunisie et en Egypte ne se reproduit pas nécessairement" ailleurs. "Les dirigeants de nombre de pays sont réticents à s'engager quand la situation est encore aussi incertaine" qu'en Syrie, ajoute M. Alani. De plus, "une guerre civile en Syrie pourrait ramener la guerre civile au Liban, aggraver le terrorisme en Irak et saper la sécurité de la Jordanie", souligne-t-il. Damas reste influent au Liban au travers notamment du Hezbollah chiite, et la classe politique libanaise, pro ou anti-syrienne, s'inquiète d'une possible contagion. "Toutes les parties libanaises se tiennent à bonne distance des événements de Syrie", affirme Hilal Khashan, de l'Université américaine de Beyrouth. Même le camp libanais pro-occidental "pense que, s'il soutient l'opposition en Syrie, cela ne fera qu'aggraver la répression du régime", ajoute-t-il. Pour Antoine Basbous, directeur de l'Observatoire des pays arabes à Paris, la peur de représailles syriennes pèse aussi sur certaines capitales. "Le régime syrien est un pyromane qui n'a jamais reculé pour mettre en difficulté le Liban, la Jordanie ou l'Irak. Certains pays connaissent sa capacité de nuisance et n'ont pas envie de le provoquer", estime-t-il. Quant à l'Egypte, pays le plus peuplé du monde arabe, absorbée par une délicate transition politique après le renversement du président Hosni Moubarak, "elle n'a aucune envie de s'impliquer dans des querelles extérieures" comme la crise syrienne, souligne-t-il. Au contraire, la nouvelle Egypte a fait comprendre qu'elle "était plutôt tentée de se rapprocher de Damas, avec qui M. Moubarak entretenait des relations crispées", souligne Mustafa Kamel Sayyed, de l'Université du Caire. La Ligue arabe, en pleine tourmente interne en raison des crises qui secouent nombre de ses Etats membres, a peu de chances de s'exprimer avec force. Elle vient d'annoncer le report à mars 2012 de son sommet annuel, qui était prévu ce mois-ci à Bagdad. Grand voisin du monde arabe, la Turquie est également nerveuse face à la situation dans un pays qui abrite, lui aussi, une importante communauté kurde. Autre pays limitrophe, l'Iran, allié de Damas, garde un profil prudent sur les troubles et la répression en Syrie. Le ministère iranien des Affaires étrangères a souligné jeudi dans un communiqué les "32 années de relations solides" entre les deux pays. Israël pour sa part redoute une déstabilisation aux conséquences imprévisibles de ce voisin, dont l'Etat hébreu occupe une partie du territoire sur le Golan. "Imaginez les conséquences pour le monde arabe si Israël était amené à intervenir en Syrie...", souligne Mustafa Kamal Sayyed. Christophe DE ROQUEFEUIL

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
twitter   |