03/05/2011 Texte

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«Al-Qaïda va se restructurer»

Antoine Basbous est directeur de l'Observatoire des pays arabes. Il analyse les conséquences géopolitiques de la disparition d'Oussama ben Laden sur le front du terrorisme international. En tuant Oussama ben Laden, les Américains ont-ils supprimé le patron du terrorisme islamiste ou seulement un symbole? Les deux à la fois. Ben Laden était l'incarnation du terrorisme islamiste, il était le chef charismatique. Il a porté le drapeau de ce terrorisme à son paroxysme avec la destruction des tours du World Trade Center. Après la disparition de ben Laden, va-t-il y avoir une guerre des chefs au sein d'al-Qaïda ? Je ne le pense pas. Le successeur quasiment intronisé serait al-Zawahiri. C'est le numéro 2 reconnu. C'est un homme actif, un idéologue important. Les multiples numéros 3 ont tous été éliminés. Il ne reste plus que Zawahiri comme personnalité reconnue. C'est donc probablement l'homme qui va recevoir l'allégeance de tous les autres. Mais al-Qaïda va passer par une phase de déprime. Le moral va être au plus bas, et certains vont peut-être se dire que cette cause est perdue puisque ben Laden est tombé. Les pays occidentaux se réjouissent de la disparition de ben Laden, mais ils annoncent aussi un renforcement de la vigilance. Faut-il craindre une riposte des groupes d'al-Qaïda? Dans un premier temps, je pense qu'al-Qaïda va se restructurer pour couper les branches susceptibles d'être pourries, donc je ne pense pas qu'ils puissent réagir aussi facilement. Pour monter des opérations terroristes, il faut non seulement de la foi, mais aussi des moyens. L'émergence de ce qu'on a appelé le «printemps arabe» n'est-il pas le plus grand danger qui menace aujourd'hui les terroristes ? Oui!On observe, depuis quelques mois, une soif de liberté et de bien-être dans le monde arabe. La rue arabe ne crie pas «À mort l'Amérique!» ou «À mort l'impérialisme occidental!». Les gens de la rue disent aux dictateurs:«Dégage!». Ils réclament la liberté, le dialogue et la démocratie. En une décennie, le monde arabe a énormément changé et les aspirations sont à l'opposé de celles de leurs aînés qui étaient sensibles au discours de ben Laden. La disparition de ben Laden change-t-elle la donne en Afghanistan? Les talibans sont exclusivement portés sur leur propre cause. Au cours des siècles, ils ont combattu Alexandre le Grand, les Britanniques, les Soviétiques. Maintenant, ils combattent les Américains et la coalition. Même si la disparition de ben Laden leur porte un coup au moral, ils ont suffisamment d'énergie pour poursuivre leur lutte. Peut-on sortir du guêpier afghan? Pour ce qui concerne la coalition, sachant qu'on ne pourra jamais en finir avec les talibans, maintenant que ben Laden est éliminé, il devrait être possible de remettre le pays dans les mains des autorités locales et se retirer en disant «Mission accomplie». Propos recueillis par Philippe Reinhard

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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