29/03/2011 Texte

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"La Ligue arabe est un corps mort"

La Ligue arabe participe aux négociations internationales sur le cas libyen, mais peine à trouver sa voix face au "printemps arabe". Chaque pays membre "est inquiet et veut sanctuariser son propre régime", explique Antoine Basbous, directeur de l'Observatoire des Pays Arabes. En plein "printemps arabe", le sommet de la Ligue arabe qui devait se tenir ce mardi à Bagdad a été repoussé au mois de mai. Et l'organisme créé en 1945 pour affirmer l'unité des pays arabes semble incapable de tenir une ligne claire face aux événements. Comment l'expliquez-vous? Chaque pays va dans sa propre direction et veut protéger ses propres intérêts, sanctuariser son régime face à des événements qui inquiètent chaque capitale. Et même quand les dirigeants des pays membres réussissent à se réunir, si une résolution se dégage, elle n'est jamais appliquée. La Ligue arabe n'incarne guère plus que les positions interarabes a minima, aucun programme commun ne se dessine. Le premier coup à son unité a eu lieu avec les accords de Camp David en 1978-79 [Après les avoir signés avec Israël, l'Egypte fait l'objet de sanctions de la part des autres membres de la Ligue arabe, ndlr]. Puis l'invasion du Koweït par l'Irak de Saddam Hussein l'a fait éclater. Aujourd'hui, la Ligue arabe est un organisme dans le coma, presque mort. Parmi les 22 pays membres, y a-t-il malgré tout des groupes qui se dégagent pour tenter de parler d'une même voix? Les six monarchies du Conseil de coopération du Golfe CCG (l'Arabie saoudite, Oman, le Koweït, Bahreïn, les Émirats arabes unis et le Qatar) affichent des positions communes. Elles sont assez soudées, homogènes et se ménagent souvent entre elles. Même si sur certaines questions stratégiques, leurs divergences restent insurmontables. C'est le cas de l'alignement du Qatar sur Téhéran et Damas alors que les autres pays du CCG sont dans une position diamétralement opposée. [Par ailleurs, l'Arabie saoudite et le Koweït envoient des renforts au régime de Bahreïn, tandis que le Qatar et les Emirats arabes unis soutiennent la coalition contre le régime libyen et le colonel Kadhafi, ndlr] Le fait que son leader, Amr Moussa, soit aussi en lice pour la présidence égyptienne et impliqué dans l'après-Moubarak interfère-t-il son travail à la Ligue arabe? La Ligue arabe nuit au développement des pays arabes plutôt qu'elle ne les sert Avant le 12 mars, il se dit favorable à une zone d'exclusion aérienne en Libye. Une semaine plus tard, il participe au sommet de Paris puis formule des réserves le lendemain. Bien sûr, il a voulu se prémunir contre les reproches sur la scène égyptienne, il a préféré caresser la fibre nationaliste et islamiste... avant de revenir encore en arrière. La Ligue arabe aurait pourtant besoin d'un leader qui incarnerait une stratégie lisible et des valeurs communes. Beaucoup d'internautes de LEXPRESS.fr réagissent vivement à toute intervention de cet organisme et affirment qu'il n'a aucune légitimité. Qu'en pensez-vous? La Ligue arabe a la légitimité de ceux qui la composent. Pas beaucoup donc. Elle nuit même au développement des pays arabes plutôt qu'elle ne les sert, à terme... Car elle n'est finalement qu'un masque sur lequel ces nations jettent leurs échecs. Sans elle, sans ce coupable idéal, cela responsabiliserait les régimes et chaque pays avancerait sans attendre. Peut-elle renaître? A condition que les régimes qui la composent renaissent et retrouvent une légitimité incontestable, si une stratégie émerge pour défendre des valeurs communes, et si un leadership se dessine. A défaut, il ne reste plus qu'à publier le faire-part de décès et à enterrer ce corps mort. Par Marie Simon

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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