12/02/2011 Texte

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Tous les peuples arabes sont assoifés de changement

Quels sont les régimes du monde arabe où la révolution égyptienne pourrait faire tâche d’huile ? ANTOINE BASBOUS. Le rendez-vous le plus immédiat, c’est demain (ndlr : aujourd'hui) en Algérie, où une grande manifestation est prévue. Abdelaziz Bouteflika a fait savoir, la semaine dernière, qu’il était prêt à assouplir le droit de manifester en levant le régime d’Etat d’urgence en vigueur depuis dix-neuf ans. Mais pas à Alger. Et à Oran, le préfet a aussi interdit la manifestation. Le pouvoir algérien tente de gagner du temps, mais les organisateurs sont déterminés à aller manifester à Alger, Oran et partout en Algérie. Les troubles qui ont éclaté en décembre ont été noyés sous une masse d’argent et d’aides. Mais le séisme égyptien peut maintenant agir comme un levier pour les Algériens dans leur volonté de ne pas se laisser dépasser par leurs voisins tunisiens et par leurs adversaires égyptiens. Pourquoi tout bouge en ce moment ? C’est un climat, c’est le respect des gens, la liberté d’expression. Les gens ne comprennent pas pourquoi les jeunes sont privés d’avenir, alors que des pays comme l’Algérie et la Libye sont riches. Et puis, ils voient la corruption, ils savent que ces régimes falsifient les élections, qu’ils se moquent du peuple. Aujourd’hui, tous les pays arabes sont concernés, à des degrés différents. Un régime qui tombe peut en entraîner un autre quasi automatiquement, car tous les peuples arabes sont assoiffés de changement. Même Kadhafi, en Libye, vous semble fragile ? Il y a un appel à manifester dans dix jours. Kadhafi, qui est le doyen des chefs d’Etat arabes, avec quarante-deux ans au pouvoir, a lui aussi rendez-vous avec son opinion publique et il commence à s’inquiéter. Et en plus, il a soutenu publiquement Ben Ali et Moubarak. Quels sont les autres pays qui pourraient être touchés ? D’abord la Jordanie, où les conséquences pourraient être très importantes : si le régime hachémite tombe, ce sont les Palestiniens, majoritaires, qui pourraient se retrouver au pouvoir. Au Yémen, le régime de Saleh, en place depuis trente-trois ans, est usé jusqu’à la corde et corrompu jusqu’à la moelle. Le pays risque d’éclater. Enfin, le régime dynastique des Assad, au pouvoir en Syrie depuis quarante et un ans, règne sans partage. En février 1982, Afez al Assad avait réprimé une révolte, tuant trente mille personnes en cinq jours. Il n’y a pas eu une seule image ni une seule photo. A l’époque, il n’y avait pas Internet. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, c’est cela le talon d’Achille de tous ces régimes autoritaires. Les jeunes n’ont plus peur. La peur a changé de camp.

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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