08/01/2011 Texte

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La contestation sociale en Tunisie et en Algérie: « Un fort sentiment de désespoir »

Directeur de l’Observatoire des pays arabes, le politologue Antoine Basbous décrypte les causes de la fronde qui agite l’Algérie et la Tunisie. Y a-t-il un lien entre les troubles sociaux qui secouent l’Algérie et la Tunisie? ANTOINE BASBOUS. Les émeutes épisodiques sont monnaie courante en Algérie mais, depuis dix ans, elles n’avaient jamais atteint cette ampleur. Les Algériens se sont sans doute inspirés de la contestation qui a lieu en Tunisie. Constatant que le joug d’un régime aussi répressif que celui du président tunisien Zine Ben Ali pouvait être secoué, ils se sont dit qu’eux aussi pouvaient ébranler les structures de leur régime. Quelles raisons peuvent expliquer ces soulèvements? Sous le long règne de Ben Ali (NDLR : vingt-trois ans), la Tunisie a bénéficié d’une croissance économique et d’une stabilité importante, au prix d’un étouffement total des libertés individuelles. Mais, désormais, ce n’est plus tenable. La croissance baisse, la corruption règne. Chômage, usure d’un pouvoir sclérosé et manque de liberté ont fini par générer cette explosion de colère. La nouveauté, c’est que la révolte a gagné toutes les couches de la société, même les plus hautes sphères. Et en Algérie? La situation est différente. C’est un pays très riche, mais qui ne redistribue pas ses richesses. Les Algériens entendent tous les jours leur gouvernement se targuer de posséder des milliards dans leurs caisses. Or ils n’en voient pas la couleur. On peut considérer que l’augmentation des denrées depuis le début de l’année a été un élément déclencheur. Quelle issue peut-on envisager à ces manifestations? Il y a un fort sentiment de désespoir dans ces deux pays. Il se traduit de plusieurs façons. Certains embarquent à bord de rafiots pour gagner l’Europe. D’autres fuient leur culture pour embrasser d’autres religions. C’est un phénomène relativement présent en Algérie, où les évangélistes américains recueillent beaucoup de jeunes qui se convertissent. Y a-t-il un risque de récupération de la part des islamistes? Bien sûr. D’ailleurs, le numéro deux du Front islamique du salut est allé haranguer des jeunes à Bab el-Oued il y a trois jours. Il fonde ses espoirs sur ce genre de mouvements qui peuvent provoquer une révolte sociale. L’islamisme n’est jamais loin pour exploiter la révolte des laissés-pour-compte. Propos recueillis par A.D

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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