26/01/2011 Texte

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Egypte : "La révolte parle d'une même voix"

Antoine Basbous, directeur de l'Observatoire des Pays Arabes, revient sur le mouvement de contestation qui secoue actuellement l'Egypte.

France-Soir: Quelles sont les revendications des manifestants égyptiens ? Antoine Basbous: Les égyptiens expriment un mécontentement justifié face à un régime usé jusqu'à la corde et face à un Moubarak au pouvoir depuis trente ans. Le régime a abusé de sa légitimité. Hosni Moubarak n'est pas arrivé au pouvoir par un coup d'Etat mais son règne est trop long. Les gens veulent voir autre chose. Sur le plan économique, rendez-vous bien compte que la population égyptienne croit à une vitesse exponentielle (80 millions d'habitants actuellement, NDLR) et qu'en même temps la croissance économique ne suit pas. Combiné à un état d'urgence répressif et interminable, ça fait trop. F.-S: Qui sont les manifestants ? S'agit-il d'une contestation unifiée ? Evidemment, les jeunes forment le gros des troupes comme c'est souvent le cas avec les révoltes populaires. Ces jeunes regardent la télé, surfent sur internet, apprennent d'autres langues, rêvent d'autres cieux. La contestation parle d'une même voix, même si les groupes et les projets d'avenir pour l'Egypte sont différents. Les Frères musulmans (organisation politique islamiste, NDLR) forment un mouvement très structuré dans la contestation. S'ils sont actifs dans la révolte en cours, c'est aussi à cause du manque de pluralisme imposé par le PND (Parti national démocratique, au pouvoir, NDLR) et de l'arrestation de leurs membres après leur score aux législatives de 2005 qui a fait d'eux la première formation d'opposition. Le parti Wafd, laïque, n'a pas vraiment d'écho dans la population. Il est là pour décorer le pseudo-pluralisme du régime. F.-S: La révolution tunisienne a évidemment joué un rôle dans le soulèvement égyptien ? L'influence est indéniable. Mais les deux rébellions sont différentes. En Tunisie, il n'y a pas d'islamisme. Pas un seul poil de barbe n'a dépassé pendant l'insurrection tunisienne. Le jeune homme qui s'est immolé par le feu, déclenchant le soulèvement populaire, n'a pas cherché à tuer mais à exprimer son désespoir. F.-S: Le régime de Moubarak peut il être véritablement déstabilisé ? En Egypte, l'armée est fortement structurée et soutient Moubarak, qui est un ancien militaire. Mais celui-ci, malade, aurait prévu de transmettre éventuellement le pouvoir à son fils Gamal. Il n'est pas dit que l'armée accepte un non-militaire comme successeur de Moubarak, fusse-t-il son fils. Si le pharaon est affaibli, c'est l'armée qui arbitre. Mais il peut toujours y avoir un ticket entre un général désigné et Gamal. Concernant la contestation, je vois mal Moubarak s'enfuir. Il n'a pas été un dictateur aussi dur que Ben Ali par exemple. Par Ghislain Fornier de Violet

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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