01/01/2007 Texte

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Décès du roi Fahd d'Arabie: «Le régime n’a pas la réforme dans le sang»

Interview Express : Antoine Basbous, Directeur de l’Observatoire des Pays Arabes, et auteur de L’Arabie saoudite en guerre

- L'arrivée sur le trône du roi Abdallah change-t-elle fondamentalement la donne ?

- Non, c'est avant tout un changement dans la continuité: le roi Abdallah exerce de facto le pouvoir depuis dix ans déjà. Mais il aura effectivement les coudées un peu plus franches désormais pour mener sa propre politique. Avec cette nouvelle légitimité, il sera surtout moins gêné par ses demi-frères, qui contestaient jusqu'alors son pouvoir.

- Le pays s'est engagé sur la voie de timides réformes démocratiques. Le nouveau roi sera-t-il celui du changement ?

- Le pays doit impérativement être réformé sur le plan politique. Et les élections municipales qui se sont tenues au mois de février ont été un premier petit pas. Malheureusement, la génération du roi Fahd n'a pas la réforme dans le sang. Et le successeur d'Abdallah, le prince héritier, n'y fera pas exception: il est aussi âgé, il n'a que trois ans de moins. La génération éduquée, qui serait plus apte à faire évoluer la société, n'a donc pas accès au pouvoir. C'est le vrai problème: il faudrait changer de logique, rompre avec cette tradition de transfert horizontal du pouvoir pour passer à une transmission d'une génération vers une autre. Et passer de cette monarchie absolue à une monarchie constitutionnelle. Mais les réformateurs qui l'appellent de leurs vœux sont en prison depuis seize mois.

- Comment concilier religion et modernisme à l'avenir ?

- En se montrant extrêmement patient! Neuf générations successives ont en effet été éduquées dans la religion wahhabite, extrêmement rigoriste. Il faut désamorcer la doctrine, peu à peu, mais cela ne se fait pas sur une simple injonction de Washington! Dans la modernité, il y a aussi la nécessaire adaptation à l'économie actuelle: l'enseignement saoudien forme encore des muftis, des chefs religieux, mais pas des travailleurs! Dans le secteur privé, il n'y a qu'un demi-million de Saoudiens qui ont un emploi, contre sept millions d'étrangers.

- Le roi a condamné l'intervention américaine en Irak. La fin d'une longue lune de miel, entamée le 11 septembre ?

- Non! Le roi est pragmatique. Comme ses prédécesseurs, il sait que l'Arabie saoudite vit sous la menace de voisins, comme l'Iran. Sans le soutien américain, le régime tombe. Or Abdallah était récemment en visite dans le ranch texan de Bush.

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OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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