12/05/2008 Texte

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Liban: coup de force du Hezbollah aux conséquences incertaines

BEYROUTH, 10 mai 2008 (AFP) - La mainmise du mouvement chiite pro-iranien du Hezbollah sur l'ouest de Beyrouth a provoqué une onde de choc au Liban en crise et les conséquences politiques de ce coup de force demeurent incertaines, estiment des analystes. "Le Hezbollah avait toujours dit qu'il n'allait pas utiliser ses armes à l'intérieur du Liban. Mais il a franchi cette ligne rouge, donc l'Iran aussi", a estimé Nadim Chehadeh, un expert libanais du groupe de réflexion Chatham House. "Les conséquences sont énormes car cela peut mener à une escalade au niveau régional", a-t-il dit. Mais alors que l'opposition menée par le Hezbollah et appuyée par l'Iran et la Syrie, a proclamé sa victoire, il reste incertain si le puissant mouvement chiite est capable de capitaliser ses gains, selon Antoine Basbous de l'Observatoire des pays arabes basé à Paris. "Le Hezbollah a gagné la première manche mais la situation va se retourner rapidement contre lui. Beyrouth est tombée sans résistance, mais les gens considèrent le Hezbollah, qui affiche les portraits des dirigeants syriens et iraniens là où il passe, comme une armée d'occupation", dit-il. La Syrie a maintenu pendant près de 30 ans des dizaines de milliers de militaires au Liban, jusqu'à ce qu'elle soit forcée de les retirer après l'assassinat en 2005 de l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri, dans un attentat attribué à Damas par la majorité libanaise antisyrienne. Saad Hariri, fils de Rafic Hariri, est aujourd'hui l'un des dirigeants de la majorité et le principal soutien du gouvernement de Fouad Siniora, appuyé par l'Occident. Le Hezbollah a pris vendredi le contrôle de l'ouest de Beyrouth après en avoir chassé les partisans de la formation sunnite de Saad Hariri. Pour Paul Salem, directeur du centre de recherches américain Carnegie pour le Moyen-Orient, "le rapport de forces sur le terrain a changé. L'opposition sort renforcée et la majorité affaiblie". Mais "l'opposition n'a pas encore dit comme elle allait traduire cette victoire sur le plan politique. Elle a seulement déclaré refuser les décisions prises par le gouvernement", a-t-il estimé. Jeudi, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a accusé le gouvernement de déclarer la guerre à son mouvement. Le gouvernement a ordonné une enquête sur le réseau de télécommunications, qu'il accuse le Hezbollah d'avoir installé "avec l'aide de l'Iran", et a limogé le chef de la sécurité à l'aéroport de Beyrouth, considéré comme un proche du groupe chiite. Pour Karim Makdissi, professeur à l'Université américaine de Beyrouth (AUB), les combats meurtriers ont paradoxalement créé une opportunité pour mettre fin à l'impasse qui dure depuis 18 mois entre l'opposition et la majorité et qui empêche surtout l'élection d'un président de la République. "Chaque fois que l'on est dans une impasse dans une crise, on a besoin d'un choc pour créer de nouvelles opportunités", dit-il. "Le choc s'est produit. L'opportunité est là pour que l'on envisage des formules susceptibles de sauver la face de toutes les parties, et que chacun sente qu'il a pu obtenir quelque chose. Il faut aujourd'hui que quelqu'un s'attèle à cette tâche". Paul Salem pense lui que le Hezbollah et l'opposition ne chercheraient pas à prendre seuls le contrôle du gouvernement. "Le Hezbollah est dans le collimateur d'Israël et des Etats-Unis (et c'est) l'une des raisons pour laquelle le Hezbollah préfère diriger le pouvoir dans les coulisses". Selon M. Chehadeh, "la politique du gouvernement a toujours été d'éviter que le Liban soit le champ de bataille de conflits régionaux. Ce n'est plus le cas car le Hezbollah a opté pour l'attaque, ce qui signifie que l'Iran a choisi l'offensive à Beyrouth, après l'avoir fait en Irak et à Gaza". Avis partagé par Radwane al-Sayyed, un conseiller de M. Siniora qui a accusé dans le journal égyptien al-Ahram, l'Iran "de vouloir transformer Beyrouth en un second Gaza" où le mouvement islamiste Hamas a pris le pouvoir par la force en juin 2007. Selon lui, "c'est l'Iran et non la Syrie qui a donné ses instructions au Hezbollah" pour l'offensive de Beyrouth.

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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