09/05/2008 Texte

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«Une guerre civile atroce et cruelle se dessine» au Liban

Antoine Basbous, politologue, spécialiste du monde arabe, de l'islam et du terrorisme islamiste, dirige l'Observatoire des Pays Arabes (OPA).

Le Liban a-t-il basculé dans la guerre civile ?

Oui, c'est une guerre civile. Une guerre civile pilotée par des intérêts étrangers. Le guide de la révolution iranienne, le président iranien et le vice-président iranien disent depuis des mois que le Liban est la terre où il faudra vaincre l'impérialisme et le sionisme. Ce pays a été désigné comme un théâtre des opérations, comme une terre de Djihad.
Les Iraniens, avec le portail syrien auquel ils sont associés, ont investi pendant un quart de siècle environ 30 milliards de dollars pour faire du Hezbollah le bras armé de l'Iran en méditerranée. Aujourd'hui, ils ont un très bon retour sur investissement.

Le Hezbollah a-t-il la capacité de prendre le Liban ?

Le mouvement chiite dispose 40.000 à 50.000 missiles, d'un bon entraînement militaire, de structures sociales et sanitaires et a mis en place une organisation de la société calquée sur l'Iran. Chez les civils chiites, on s'habille de plus en plus comme en Iran, on répète les mêmes slogans. Il y a vingt mois, ce mouvement a été capable de mettre en échec la plus puissante armée de la région (l'armée israélienne, NDLR). Depuis, il s'est réarmé, a augmenté ses capacités en bénéficiant du couloir syrien.
Après la guerre de 2006 contre Israël, le Hezbollah est devenu l'acteur incontournable du pays. Aujourd'hui, il prend le pouvoir en faisant du Liban un lieu privilégié de la confrontation régionale, une « Gaza bis » à la disposition de Damas et de Téhéran.

Alors que la tension est extrêmement forte depuis de nombreux mois, pourquoi le Liban bascule-t-il aujourd'hui dans la guerre civile ?

Après avoir déclenché la guerre contre Israël sans prévenir le gouvernement Libanais, le mouvement n'a cessé de faire monter la pression. Depuis le 1er décembre 2006, les militants du Hezbollah ont ainsi paralysé les «Champs Elysées» de Beyrouth. Plus récemment, le mouvement a franchi un nouveau pas en installant des caméras de surveillance à l'intérieur et à l'extérieur de l'aéroport de Beyrouth. Tout donne à penser qu'il préparait une attaque contre la piste 17, celle qui sert aux avions privés des officiels étrangers et libanais. Et quand le gouvernement a pris la décision de muter le général qui dirige la sécurité de l'aéroport, le Hezbollah a prévenu que celui qui acceptera de lui succéder devait se considérer comme mort.

Il y a aussi ce réseau privé de communication installé par la milice chiite…

L'Etat du Hezbollah a en effet installé son propre réseau filaire de télécommunication sécurisé. Il s'agissait d'abord de sécuriser ses actions militaires. Puis, ils ont creusé des tranchés partout dans les villes et les campagnes. On a alors découvert qu'il ne s'agit pas seulement d'un réseau téléphonique mais d'un système, notamment au profit de Damas et de Téhéran, qui espionne les ministères, les politiques et les citoyens. L'Etat du Hezbollah était en train d'effacer l'Etat légal dans un pays où il n'y a plus de président de la République depuis six mois, bientôt plus de patron de l'armée, où le bâtiment du gouvernement est assiégé, le parlement verrouillé par son Président, le chiite Nabih Berri.

Comment pourrait évoluer la situation ?

Une « irakisation » du Liban se profile. Dans un premier temps, le Hezbollah peut gagner la bataille car il a une armée structurée, de l'argent, etc. Mais cette occupation va très vite se retourner contre lui. La milice sera perçue comme une force d'occupation par les citoyens lambdas, notamment sunnites, qui ne partagent pas ses valeurs. En arrivant dans les quartiers sunnites, ils tirent, ordonnent le silence des médias. Cette façon de soumettre Beyrouth va provoquer des contre-attaques et le retour des snipers car il n'y a pas d'adhésion globale au projet de social du Hezbollah. Une guerre civile, la plus atroce et la plus cruelle entre radicaux chiites et sunnites, se dessine sur instruction de Damas et de Téhéran.

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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