30/10/2007 Texte

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L'Egypte prend la tête de la famille nucléaire arabe

LE CAIRE - L'Egypte a pris la tête de la famille du nucléaire civil que les pays arabes entendent former dans une région instable où Israël et l'Iran les ont déjà devancés.

Le président Hosni Moubarak a annoncé lundi que l'Egypte allait se doter de plusieurs centrales nucléaires, relançant un programme gelé il y a 20 ans après la catastrophe de Tchernobyl.

Cette annonce, sans être une surprise, intervient dans un contexte alourdi par la tension sur le dossier nucléaire iranien, et un raid israélien contre un site prétendument nucléaire en Syrie.

"Il y a un effet de politique intérieure dans la décision de Moubarak avec le souci de ne pas laisser à l'Iran l'image du champion atomique", a déclaré à l'AFP Antoine Basbous, directeur de l'Observatoire du monde arabe, basé à Paris.

Le Caire, qui a reçu l'immédiate bénédiction de Washington, a affirmé avoir opté pour le nucléaire civil, encadré internationalement, afin d'assurer sa sécurité énergétique. Il exclut tout intérêt pour l'arme nucléaire.

Six pays du Golfe, dont l'Arabie saoudite, ainsi que le Yémen, la Jordanie, la Libye ou l'Algérie avaient annoncé quasi simultanément il y a un an vouloir se doter d'un programme nucléaire civil.

Les chefs d'Etat des six monarchies du Conseil de coopération du Golfe (CCG), qui font face à l'Iran, feront le point lors de leur sommet annuel, en décembre au Qatar, sur la faisabilité d'un programme régional.

"C'est un droit pour les Arabes", avait martelé M. Moubarak au printemps, à la veille d'un sommet arabe à Ryad, donnant à penser que le temps était venu de former une "famille nucléaire arabe".

Aucun pays arabe ne figure sur la liste de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) des 31 pays dotés de la technologie nucléaire, avec 435 centrales en activité, et 29 en construction à travers le monde.

Les Etats-Unis en possèdent 103, suivis de la France, avec 59, du Japon, avec 55, et de la Russie avec 31 en exploitation et 7 en construction. C'est en Asie que se concentre aujourd'hui l'effort de développement nucléaire.

Si l'Egypte, le pays le plus peuplé du monde arabe, avec 76 millions d'habitants, ou la Jordanie, peuvent justifier ce choix, il peut sembler moins évident pour les pays du Golfe au sous-sol regorgeant d'hydrocarbures.

Pour M. Basbous, "c'est la volonté de l'Iran d'accélérer son programme douteux qui a poussé les pays arabes à se lancer à leur tour dans la course au nucléaire civil".

L'Egypte et l'Arabie saoudite, qui se disputent le leadership du monde sunnite, n'ont jamais caché leurs inquiétudes face aux éventuelles ambitions militaires de l'Iran, puissance chiite, et de son influence en Irak.

S'attirant les foudres des Etats-Unis et de la France qui accusent l'Iran de chercher à se doter de l'arme atomique, le patron de l'AIEA, l'égyptien Mohamed ElBaradei a affirmé ne pas en avoir la preuve.

L'Egypte, qui a signé le traité de non prolifération nucléaire (TNP), soutient officiellement l'élimination des armes nucléaires au Moyen-Orient et critique régulièrement Israël sur cette question.

L'Etat hébreu, qui n'a jamais reconnu détenir l'arme nucléaire, aurait en sa possession comme une "assurance vie" quelque 200 ogives, selon les experts, et est le seul Etat du Moyen-Orient à avoir choisi de rester en dehors du TNP.

S'estimant ouvertement menacé par l'Iran, Israël serait tenté d'éliminer militairement les installations nucléaires iraniennes, à l'instar de la destruction, en 1981, du réacteur irakien d'Osirak.

L'armée israélienne a aussi rasé début septembre un site syrien, à l'est de l'Euphrate, soupçonné d'abriter un réacteur nucléaire.

La Libye avait d'elle-même décidé de démanteler en 2003 son programme secret, alors qu'elle "était sur le point de produire une bombe nucléaire", selon le numéro un libyen, Mouammar Kadhafi.

"Le grand problème est qu'on peut basculer du civil au militaire avec une maîtrise du cycle de l'atome", selon M. Basbous, pour qui le risque "de prolifération, faute d'un vrai gardien international, n'est plus à négliger".

(©AFP / 30 octobre 2007 18h14)

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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