12/04/2007 Texte

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Moubarak à Paris pour saluer Chirac et sonder les candidats à l'Elysée (Papier d'angle)

LE CAIRE, 12 avr 2007 (AFP) - Le président égyptien Hosni Moubarak se rendra dimanche à Paris pour saluer le président français Jacques Chirac, et sonder les trois principaux prétendants à sa succession sur l'avenir de la "politique arabe" de la France.

Décidée au dernier moment, cette visite est d'abord, vue du Caire, un hommage que veut rendre le "Raïs" à un ami de trente ans, avec lequel il a eu trente tête-à-tête officiels et d'innombrables conversations téléphoniques.

"C'est un rare geste d'amitié politique et personnelle", souligne Moustapha Kamel el-Sayyed, consultant international, et professeur de sciences politiques à l'Université américaine au Caire (AUC).

Même génération, même vision politique, les deux dirigeants n'ont jamais divergé sur leurs analyses des crises récurrentes au Proche et Moyen Orient, de la question palestinienne à la guerre en Irak.

"Un accord quasi-parfait dans la droite ligne de la politique française depuis le Général de Gaulle, y compris dans la distance ou l'opposition aux Etats-Unis", souligne ce professeur.

Avec François Mitterrand, il en était de même. C'est à Assouan que le président socialiste, à l'invitation insistante de Moubarak, passa son ultime Noël sur les bords du Nil en 1995, "pour trouver le soleil et la paix".

Quand Chirac lui succéda, Moubarak fut le premier chef d'etat étranger reçu à l'Elysée, affirmant l'importance de l'Egypte comme pays clef du monde arabe, avec ses 76 millions d'habitants, son histoire et sa culture.

Après les disparitions tragiques du palestinien Yasser Arafat, du libanais Rafic Hariri et de l'irakien Saddam Hussein, Moubarak est le dernier dirigeant arabe avec lequel Chirac entretenait des liens personnels forts.

De manière inattendue, et sans précédent, le raïs égyptien a décidé de rencontrer aussi à Paris les trois "grands" aspirants à la présidence, Nicolas Sarkozy (droite), Ségolène Royal (socialiste) et François Bayrou (centre).

"Avec le départ de Chirac, c'est la fin d'une époque et il y a de la préoccupation pour l'avenir", estime Antoine Basbous, directeur de l'Observatoire des pays arabes, basé à Paris.

Pour lui, la "politique arabe de la France n'a plus de sens: le monde arabe est très éclaté et c'est l'islam, avec sa variante islamiste, qui est devenu un déterminant autour duquel une politique doit se reformuler".

Israël et la question palestinienne, l'Irak, l'Iran ou le Liban, auquel la France est affectivement liée, et encore les pays du Maghreb, toute une série de dossiers de cet "Orient compliqué" dont parlait de Gaulle et qui sont peu évoqués dans la campagne.

"Les principaux candidats semblent peu familiers avec ces questions, et ils ne veulent pas prendre des risques", relève le professeur el-Sayyed notant que la presse égyptienne parierait plutôt sur Sarkozy vainqueur au 2ème tour du 6 mai.

Celui-ci n'est pas un inconnu en Egypte où il était venu en 2003 obtenir un quitus du cheikh Mohammed Tantaoui, l'imam d'al-Azhar, la plus haute autorité de l'islam sunnite, sur la loi prohibant le port du voile à l'école.

Mais il n'a jamais rencontré Moubarak, et la presse le présente comme plus pro-américain et pro-israélien que Jacques Chirac. "Ses positions sont surtout jugées non stabilisées, comme celles de Ségolène Royal", selon Antoine Basbous.

Lors de la crise des banlieues, en 2005, le patron du quotidien gouvernemental al-Gouhoumriya, Mohamed Aboul Hamid avait osé écrire que "Sarkozy pour ceux qui l'ignorent est juif", s'attirant une réponse discrète mais outrée de l'ex-ministre de l'Intérieur.

M. Moubarak ne connaît pas personnellement François Bayrou. Il a en revanche rencontré Ségolène Royal, lors d'un déplacement à Paris en décembre dernier, grâce à Jack Lang.

"Il n'y a que Moubarak qui bouge dans cette région," avait-elle dit, alors que l'opposition égyptienne prétend au contraire qu'il est le symbole de l'immobilisme et de la stagnation.

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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