28/03/2004 Texte

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Attentats de Madrid et l'implication de Marocains

Les attentats de Madrid apportent-ils des éléments nouveaux pour la compréhension de la nébuleuse Al Qaîda ?

Antoine Basbous:
Ils prouvent qu’aujourd’hui il y a une décentralisation et une délocalisation d’Al Qaida. Suite à la réplique américaine au 11 septembre, et plus particulièrement depuis la bataille de Tora Bora, en Afghanistan, il n’y a plus de centralité du commandement d’Al Qaida. Ben Laden avait d’ailleurs ordonné à ses fidèles, imprégnés de la doctrine et disposant d’un savoir faire acquis dans les camps afghans, de se disperser, et de rentrer dans leurs pays respectifs où leur connaissance de l’environnement faciliterait la mise en place de réseaux. Par ailleurs, les attentats confirment qu’Al Qaida se métastase, ce qui rend le réseau diffus et insaisissable. A mon sens, il pourrait y avoir des opérations terroristes suivies par la centrale d’Al Qaida. Leur préparation s’inscrit dans le long terme, comme celle du 11 septembre, mais elles sont aujourd’hui devenues beaucoup plus difficiles à organiser du fait de la neutralisation des moyens de communication. Parallèlement, il y a des opérations sans ordre hiérarchique qui elles relèvent de la doctrine Al Qaida, qui devient ainsi une sorte de label. Ceci explique que certaines actions soient plus professionnelles que d’autres.

Dans quelle " catégorie " classeriez-vous les attentats de Casablanca de mai 2003 ?

Antoine Basbous: Ce que je n’arrive toujours pas à comprendre dans les attentats au Maroc, c’est cette volonté de sacrifier autant d’hommes. Il y a eu 15 kamikazes à Casablanca, alors qu’à Madrid, on parle d’un kamikaze, et cette hypothèse n’a pas encore été confirmée. Au Maroc, les conditions socio-économiques ont joué un rôle dans le recrutement alors que les pilotes du 11 septembre étaient des gens instruits, et promis à un bel avenir. Donc ce que l’on doit en retenir c’est la force du message d’Al Qaida qui permet d’enrôler dans toutes les couches sociales. L’attentat de Madrid a cependant une particularité : l’absence ou le faible nombre de kamikaze pourrait signifier que les personnes installées en Europe, même si elles participent à la mouvance Al Qaida, ne veulent pas mourir.

Les enquêtes suite au 11 septembre ont révélé la présence d’un grand nombre de Marocains dans le terrorisme international, ce que vient confirmer l’attentat de Madrid. Le Maroc est-il devenu une base arrière du terrorise intégriste ?

Antoine Basbous: Lorsque l’Arabie saoudite envoyait des chèques au Maroc, ils étaient accompagnés d’imams saoudiens. L’exportation du Wahabisme vers le Maroc a d’autant mieux fonctionné que des dirigeants marocains, dont des ministres, ont été sensibles aux pétrodollars saoudiens. Il y a eu au Maroc une forme de renoncement doctrinal, qui a fait que le malékisme a baissé la garde. Le Wahabisme a ainsi envahi les livres scolaires, les mosquées ou la télévision publique. D’autre part, par le passé j’avais retenu que l’entourage proche de Ben Laden, ses chauffeurs, ses cuisiniers étaient Marocains. La proximité de quelques-uns avec Ben Laden ajoutée à l’expansion du Wahabisme au Maroc peuvent être une explication.

Nadia Hachimi Alaoui

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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