26/05/2020 Texte

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Liban: le Hezbollah, obstacle majeur aux réformes

La milice chiite fait partie de ces organisations qui se cramponnent à leurs rentes. Les réformes exigées par les bailleurs de fonds internationaux les menacent.

C'est un obstacle auquel se heurtent depuis des années le Fonds monétaire international (FMI) et les bailleurs de fonds, au premier rang desquels Paris et Washington : le Liban est un empilement de pouvoirs confessionnaux qui se partagent les entreprises et les services publics comme autant de fiefs, de l'électricité à la distribution d'eau en passant par le ramassage d'ordures.

Le plus insurmontable d'entre eux est sans doute le Hezbollah. Tout à la fois milice, aussi puissante que l'armée libanaise elle-même, bras armé de l'Iran en Méditerranée, parti politique de la minorité chiite (20 % de la population) et organisation caritative, il a longtemps bloqué toute négociation avec le FMI. Il savait que ce dernier exigerait qu'il « abandonne le contrôle du port et de l'aéroport, qu'il assurait jusqu'ici au détriment des douanes et de la police des frontières, ainsi que des passages clandestins aux frontières de la Syrie par lesquels transitent fioul, farine, médicaments subventionnés par le gouvernement, pour un coût de 2 milliards de dollars par an », souligne Antoine Basbous, directeur de l'Observatoire des pays arabes.

Conscient que le pays est pris à la gorge financièrement et qu'un effondrement économique détruirait les rentes dont il profite, le Hezbollah a assoupli sa position. il n'exclut plus son aide mais mise sur le fait que le gouvernement ne s'engagera que dans des réformes de façade. Si ce n'était pas le cas, il pourrait le faire chuter à tout moment. Le Hezbollah a toutefois essuyé un revers récemment, puisque l'Allemagne l'a inscrit sur la liste des organisations terroristes.

Sur le papier, le rapport de force est en faveur du FMI, au vu de l'effondrement de l'activité du pays en raison de la crise politique et sociale depuis l'automne. Celle ci s'est accompagnée de protestations d'ampleur contre la corruption et l'ineptie des services publics, aggravée par le confinement contre le Covid-19. « Les prix des denrées alimentaires produites localement ont doublé et ceux des biens importés (produits alimentaires, électroménagers ou automobiles) ont jusqu'à quintuplé. Sans activité depuis des mois, les entreprises commerciales continuent de fermer les unes après les autres, et le secteur des services est laminé », estime l'Observatoire des pays arabes.

En difficulté financière depuis des années , Beyrouth va donc devoir présenter un plan crédible de redémarrage mais aussi de contrôle des dépenses publiques : la dette de l'Etat, la deuxième plus élevée du monde en proportion du PIB, est due pour deux tiers au déficit chronique des entreprises publiques. Le gouvernement prévoit aussi la liquidation de la moitié des banques commerciales, déstabilisées par la crise et accusées de tous les maux par une population appauvrie.

 

Par Yves Bourdillon - (Les Echos)


 

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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