12/05/2020 Texte

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L'Arabie saoudite s'impose une cure d'austérité pour compenser la chute du pétrole

Le premier exportateur mondial de pétrole va tripler la TVA et suspendre certaines allocations aux ménages, afin de compenser l'effondrement de ses recettes budgétaires. Il va aussi réduire sa production pour contribuer au redressement des cours de l'or noir.

Riyad a plié. Le premier exportateur mondial de pétrole a annoncé mardi matin une nouvelle réduction de 1 million de barils par jour (Mbj) de sa production de brut, sur un total de 8,5 Mbj qui était pourtant déjà au plus bas depuis dix ans. Il s'agit de contribuer à un redressement des cours mondiaux après la désastreuse guerre des prix que le royaume avait lui-même lancé en début d'année afin de préserver ses parts de marché et acculer ses concurrents russes et américains.

Pas le choix

S'en était suivi une division par trois des recettes de l'Etat saoudien, puisque ce dernier est financé quasi exclusivement par la rente pétrolière. Riyad misait sur une chute limitée de la demande mondiale de pétrole, mais a constaté que le ralentissement provoqué par la pandémie de Covid-19 allait durer… Une pandémie qui frappe d'ailleurs directement le Royaume, avec plus de 40.000 cas en vue, et impose un confinement désastreux pour l'économie. La banque Standard Chartered s'attend à une chute du PIB de 4,5 % cette année. Le chômage, qui frappe officiellement 12 % de la population, risque de flamber. Les entreprises ont été autorisées par décret royal à licencier et à réduire les salaires de 40 %.

Grogne sociale inévitable

En conséquence, Riyad a dû aussi se résoudre à un plan d'austérité d'une ampleur sans précédent, lundi, avec un triplement de la TVA, à 15 %, et la suspension en juin des allocations versées aux ménages. De quoi susciter un mécontentement considérable dans ce pays dont la majorité des 28 millions d'habitants vivent des largesses de l'Etat. Une fronde avait déjà obligé le pouvoir à grandement atténuer le premier plan d'austérité de l'histoire du pays, en 2014. Et l'instauration de la TVA en 2018 avait dû être compensée par celle d'allocations mensuelles, celles-là mêmes qui vont être interrompues dans quelques semaines.

Ces mesures devraient rapporter 100 milliards de riyals (24,61 milliards d'euros). Par ailleurs, le gouvernement « annule, étale ou reporte » les dépenses liées aux grands projets de développement destinés à moderniser l'économie du pays, comme sans doute le faramineux projet de ville futuriste Neom, a déclaré lundi le ministre des Finances Mohammed al-Jadaan. Il avait averti début mai que des mesures « douloureuses et drastiques » étaient inévitables.

Le recours à l'emprunt

Ces mesures ne seront pas suffisantes pour empêcher le déficit public d'atteindre 12,5% du PIB cette année, selon un rapport récent de Moody's. Le royaume est dans le rouge tous les ans depuis le reflux des cours de l'or noir amorcé en 2014. Il devrait emprunter 60 milliards de dollars supplémentaires sur l'année. Selon Antoine Basbous, directeur de l'Observatoire des pays arabes, « il dispose d'une marge de manoeuvre réelle en la matière », puisque sa dette publique ne dépasse pas 25 % du PIB. Mais la guerre des prix du pétrole a quelque peu aliéné Washington. Début avril, pour forcer le prince héritier Mohammed ben Salmane à reculer, Donald Trump est allé jusqu'à le menacer de laisser le Congrès suspendre son aide militaire et s'est dit prêt à retirer quatre batteries américaines de missiles anti-missiles Patriot protégeant le royaume des menaces iraniennes. «Plus que jamais, l'Arabie saoudite apparaît comme un colosse aux pieds d'argile, bien loin de l'image qu'avait souhaité envoyer le prince héritier pour sa présidence du G20», conclue Antoine Basbous.

Par Yves Bourdillon (Les Echos)

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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