27/08/2014 Texte

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Coopération avec la Syrie contre l'Etat islamique: Une occasion de renouer avec Bachar al-Assad?

TERRORISME - La proposition de Damas pourrait ouvrir des perspectives d’apaisement diplomatique avec la Syrie… Bachar al-Assad peut-il passer du statut d’ennemi juré à celui d’allié? Ce lundi, le régime de Damas s’est dit prêt à coopérer avec la communauté internationale pour lutter contre les djihadistes de l’Etat islamique (EI) irakien. Pour les Etats-Unis et l’Europe cette offre à double tranchant pourrait être un moyen de rétablir des liens avec la Syrie en luttant contre un ennemi commun.


«Un levier» pour obtenir des contreparties?

«On pourrait utiliser cette offre comme un levier pour obtenir des contreparties politiques à l’intérieur du régime syrien», estime Frédéric Pichon, docteur en Histoire contemporaine spécialiste de la Syrie. D’autant que cette offre de lutte commune résonne aussi comme un appel au secours après l’avancée de l’EI en Syrie, où les djihadistes se sont emparés dimanche d’un aéroport militaire qui était le dernier bastion du régime syrien dans la province de Raqa.

Inquiets de la progression de l’EI dans leur pays, les Syriens veulent toutefois garder le contrôle sur les opérations militaires américaines sur leur territoire: le chef de la diplomatie syrienne Walid Mouallem a ainsi déclaré que toute frappe américaine contre les djihadistes en Syrie devrait être coordonnée avec Damas, car sinon il s’agirait d’une agression. Une manière de rappeler au monde que la Syrie a toujours un gouvernement légitime: «Il y a une déformation occidentale qui consiste à penser que tout le monde veut sa chute et qu’il est isolé, mais en réalité il n’y a que les Etats-Unis et l’Europe qui le pensent, poursuit Frédéric Pichon. La Syrie a conservé des relations diplomatiques normales avec une grande majorité des pays.»

L’offre de Damas pourrait être une stratégie pour se refaire une viriginité aux yeux de l’Occident: «Le régime veut se recycler et se raccrocher à la lutte internationale contre le terrorisme en faisant croire aux Occidentaux qu’il n’a rien à voir avec l’EI alors qu’il l’a couvé et soutenu pour s’offrir la meilleure opposition et apparaître comme étant un modéré, estime Antoine Basbous, politologue et spécialiste du monde arabe. Mais les puissances occidentales ne sont pas dupes: après trois ans et demi de guerre intense et 200.000 morts, le gazage des populations, les tortures, le régime syrien ne peut pas retrouver sa virginité auprès des puissances occidentalers ni auprès de l’opinion publique.»

Une coopération tacite plutôt qu’officielle

«Enfin, faire de la diplomatie» avec Damas serait donc une bonne manière de lutter contre l’EI et de renouer un dialogue avec le régime syrien, estime Frédéric Pichon. Mais répondre positivement à l’appel du pied de Damas reviendrait à «reconnaître que l’on s’est complètement trompé»: «Depuis trois ans, le régime de Damas a été diabolisé, on a prédit sa chute. Je ne pense pas qu’une coopération officielle soit tout de suite possible mais elle pourrait se faire de manière tacite», estime le spécialiste de la Syrie.

Alors que les Etats-Unis envisagent d’étendre leurs frappes contre l’EI à la Syrie et préparent le terrain en envoyant des avions-espions et des drones, la Syrie a remis en cause l’efficacité de ces frappes et prône un «assèchement des sources du terrorisme, notamment le financement et l’armement avec le contrôle des frontières par les pays limitrophes et un échange de renseignements». Une première forme de collaboration pourrait donc être, pour Washington, «de cesser d’armer des rebelles qui combattent Bachar al-Assad ou d’exiger de la Turquie qu’elle contrôle vraiment ses frontières», pense Frédéric Pichon.

Mais refaire de Bachar al-Assad un allié, comme ce fut le cas avec Mouammar Kadhafi après les attentats du 11 septembre 2001, ne semble pas encore à l’ordre du jour. «Je pense que pour défaire l’EI, il faut s’appuyer sur les Sunnites, comme en 2007, estime Antoine Basbous? et il n’y a rien de plus irritant pour ceux-ci que de réhabiliter celui qui les massacre.»

Audrey Chauvet (20 Minutes)

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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