17/07/2014 Texte

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Attaque de l'aéroport de Tripoli. Face au chaos libyen, l’aide internationale est-elle nécessaire?

Entretien avec Antoine Basbous, politologue directeur de l’Observatoire des pays arabes. Jeudi 17 juillet, plusieurs obus sont tombés sur l’aéroport international de Tripoli, la capitale libyenne. Le terminal avait déjà été en partie détruit cette semaine après le tir de dizaines de roquettes lancées par des milices islamistes. La situation sécuritaire du pays, dans l’impasse depuis trois ans, inquiète les autorités qui ont évoqué mardi la possibilité de demander l’aide internationale.

 

JOL Press : L’aéroport de Tripoli a été la cible d’une pluie de roquettes lundi. Que représente cette "prise" pour les milices islamistes à l’origine de l’attaque ?
 
Antoine Basbous : Cette attaque intervient dans un double contexte : celui des élections législatives qui se sont tenues fin juin et dans lesquelles il apparaît que les islamistes sont en chute nette selon les premiers résultats. Comme ils veulent contrôler tous les rouages du pouvoir libyen, les institutions et les infrastructures, ils ont attaqué l’aéroport de Tripoli, infrastructure stratégique majeure.

En même temps, l’aéroport était tenu par les brigades de Zentane alliées du général Haftar, combattues par les islamistes. Ces derniers ont de ce fait attaqué l’aéroport. Il y a une véritable course au contrôle des infrastructures, entre d’une part les forces du général Haftar, plutôt nationales et libérales, et de l’autre les milices islamistes dont certaines sont proches d’Al-Qaïda. Les deux veulent s’emparer des centres névralgiques et stratégiques du pouvoir pour les contrôler.

JOL Press : Les autorités libyennes ont évoqué la possibilité d’une aide internationale pour enrayer la crise politique et sécuritaire. Quelle forme cette aide étrangère pourrait-elle prendre ?
 
Antoine Basbous : La Libye est en état de désorganisation, de dispersion totale et de chaos indescriptible. On peut donc comprendre que le gouvernement libyen ait envie d’être épaulé, mais on comprend aussi qu’aucun État occidental n’ait envie de poser ne serait-ce qu’un pied de ses soldats en Libye. La solution reste que les pays voisins, à commencer par l’Égypte et l’Algérie, se chargent de contrôler les frontières extérieures de la Libye voire, dans un cadre arabo-africain, d’envoyer éventuellement des forces de stabilisation et de sécurité.

JOL Press : L’intervention de forces françaises ou américaines sur place semble donc difficilement envisageable ?
 
Antoine Basbous : L’expertise des pays occidentaux sera sans doute indispensable, mais je vois difficilement, à l’heure actuelle, des gouvernements occidentaux envoyer des forces sur le terrain libyen autres que pour l’encadrement et l’expertise.

JOL Press : Les résultats définitifs des élections législatives devraient être connus dans les jours qui viennent. Que faut-il en attendre ?
 
Antoine Basbous :  Déjà, les résultats partiels – mais significatifs – de ces élections révélés le 6 juillet accordaient à la mouvance nationaliste et libérale une large avance. Les islamistes ont donc été confortablement battus. Comme ils avaient empêché la formation de l’armée et de la police par le passé, au profit des milices qu’ils contrôlaient eux-mêmes, et avaient fait voter la loi d’exclusion – excluant de la vie politique même les modestes cadres du régime de Kadhafi – là aussi ils veulent faire pression sur les institutions et les ministères pour les contrôler, tout comme les infrastructures stratégiques. Dès lors qu’ils sont désavoués dans les urnes, ils veulent prendre par la force le pouvoir sur le terrain.

JOL Press : Le quotidien Asharq Al-Awsat a évoqué mercredi le retour de jihadistes d’Irak et de Syrie en Libye pour combattre le général Haftar qui mène une « guérilla » contre les islamistes. Doit-on craindre un déplacement du terrain de combat jihadiste en Libye ?
 
Antoine Basbous : Déjà à l’époque de Kadhafi il y avait, en Irak sous occupation américaine, énormément de jihadistes libyens, au point qu’ils représentaient le deuxième contingent après celui de l’Arabie saoudite. Aujourd’hui, il y a des jihadistes libyens en Syrie et en Irak, de même que des Tunisiens, des Algériens et des Marocains, et s’ils sont appelés à venir en renfort aux islamistes libyens, cela risque en effet de peser lourd dans la balance de la guerre civile et de l’insécurité.

Propos recueillis par Anaïs Lefébure pour JOL Press

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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